La COVID-19 a exposé au grand jour les inégalités de genre qui persistent dans notre société. Comme les femmes et les minorités de genre ont subi et subissent davantage les contrecoups de la pandémie. C’est pourquoi le retour graduel à la normale est l’occasion pour réexaminer et recadrer les politiques et les systèmes économiques dans l’optique d’une plus grande égalité des sexes.
Au mois de janvier 2021, la population active au Nouveau-Brunswick était pratiquement la même qu’avant la COVID-19. Mais même avant la crise, la situation des femmes était déjà à déplorer. Elles représentaient et représentent encore la majorité de la main-d’œuvre qui gagne le salaire minimum et cumule plusieurs emplois. De plus, elles risquent deux fois plus de travailler à temps partiel (en moyenne 33,1 heures par semaine contre 39,1 heures pour les hommes).
Les femmes : la ressource la plus importante, mais la moins utilisée
La Province cherche à pourvoir d’ici 10 ans plus de 120 000 postes. Il faudra donc maximiser la participation de la moitié de notre population, c’est-à-dire les femmes. À l’heure actuelle, le Nouveau‑Brunswick se classe l’avant-dernier au pays en ce qui concerne le taux de participation des femmes sur le marché du travail (57, 7 % comparativement à 60,3 % pour l’ensemble du pays et 64,7 % pour les hommes de la province).
Selon une étude menée en 2017, le PIB provincial aurait pu grimper de 3 à 4 p. cent entre 2016 et 2026 si la participation des femmes sur le marché du travail avait augmenté. Le prochain budget provincial (2021-2022) est la première occasion après la pandémie de remédier à la situation. Le gouvernement est-il prêt à aller de l’avant?
L’égalité des sexes au travail
Si les femmes sont plus instruites que les hommes (au N.-B., 60,6 % d’entre elles détiennent un diplôme d’études supérieures contre 54,4 % chez les hommes), elles gagnent pourtant un salaire horaire inférieur (23,87 $ contre 25,05 $) parce qu’elles sont toujours surreprésentées dans les secteurs à prédominance féminine, où elles sont souvent sous-valorisées et sous-payées.
Comment encourager les femmes à intégrer le marché du travail et d’y rester? Elles doivent gagner un salaire équitable, qui reflète la valeur de leur travail. Une loi sur l’équité salariale doit prévoir le même salaire pour les emplois à prédominance féminine que pour ceux à prédominance masculine de valeur comparable. Après tout, l’équité salariale est un droit de la personne. Le Nouveau-Brunswick s’est déjà doté d’une loi visant le secteur public. Une loi visant le secteur privé garantirait ce droit pour plus de 65 % des salariées du secteur.
Il ne faut pas oublier que l’équité salariale est également avantageuse pour les entreprises. Elle est un outil de gestion du personnel très utile : les salaires concurrentiels des emplois à prédominance féminine cadrent parfaitement avec les stratégies de recrutement et de rétention du personnel des employeurs.
La valeur des soins
Les infrastructures sociales jouent un rôle important pour les femmes. Les femmes contribuent plus que leur juste part dans le domaine des soins, mais leur travail est peu valorisé: elles en font plus gratuitement à la maison, et pour de faibles salaires sur le marché du travail.
La division sexuée du travail est encore plus flagrante dans le secteur des soins communautaires où les femmes représentent plus de 90 % de la main-d'œuvre et où les immigrantes et les femmes racisées sont indéniablement surreprésentées.
Faute de salaires équitables et de meilleures conditions de travail (congés de maladie payés, minimum d’heures garanti), le secteur fait face à des problèmes de recrutement et de rétention. De son côté, la Coalition évalue en ce moment certains emplois pour déterminer le salaire juste dans six services. Elle a conclu qu’un salaire équitable pour les travailleuses assurant les soins à domicile, les maisons de transition et les résidences communautaires, se situe entre 22 $ et 25 $ l’heure. Les salaires horaires actuels? Entre 15,30 $ et 16,80 $. Le résultat de l’évaluation des emplois dans trois autres services ne devrait pas tarder.
La Coalition demande au gouvernement provincial de mettre en œuvre un plan quinquennal pour atteindre l’équité salariale dans l’ensemble du secteur. La première étape consiste à prévoir dans le prochain budget des investissements ciblant l’augmentation des salaires. Nous avons besoin d'un secteur doté d'une main-d'œuvre stable et qualifiée pour soutenir les familles du Nouveau-Brunswick et la participation des femmes au marché du travail.
Les services de garde sont essentiels à la relance économique des femmes
Le manque de garderies à prix abordable est un autre obstacle à l’emploi pour les femmes. Un système de garde universel leur permettra d’intégrer le marché du travail, créera des emplois et stimulera la croissance économique.
Bien des familles n’ont pas les moyens de se payer un service de garde. Selon une enquête menée en 2019 par le Centre canadien de politiques alternatives, à Moncton le coût médian mensuel de ce service s’élève à 856 $ pour les bébés, 716 $ pour les bambins et 722 $ pour les enfants d’âge préscolaire.
Il est temps de mettre sur pied un système de garde public, universel, abordable, inclusif et flexible qui répond aux divers besoins des parents et des enfants. Notons que les fonds consacrés à un tel système sont un bon investissement : selon certaines études, grâce au faible coût des services de garderie au Québec, la participation des femmes sur le marché du travail dans la province a fortement augmenté et le PID de la province a enregistré une hausse de 5,1 milliards de dollars en 2008.
Le gouvernement du Nouveau-Brunswick se doit d’investir dans les salaires des éducatrices en petite enfance. Ces investissements sont la solution pour mettre sur pied un système de garderies de qualité et cohérent, puisque, tout comme dans le secteur des soins communautaires, de meilleurs salaires attirent les travailleuses compétentes et réduisent le roulement de personnel.
Reconstruire l’économie de fond en comble
Les collectivités saines et durables reposent sur des infrastructures sociales robustes et sur une économie de soins. Les familles du Nouveau-Brunswick comptent sur ces infrastructures pour travailler, prospérer et participer à l’économie provinciale.
Le budget 2021-2022 peut réduire les inégalités. Il faut éliminer les obstacles qui entravent la participation des femmes sur le marché du travail; investir d’importantes sommes dans les infrastructures sociales comme la prestation de soins et les services de garderie; et adopter des politiques publiques sur l’équité salariale et les congés de maladie payés.
Il est grand temps que la Province se mette au service de toute la population.
Johanne Perron
Directrice générale, Coalition pour l'équité salariale